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2 juillet 2014 3 02 /07 /juillet /2014 13:55

Quelle éducation donner aux enfants ?
Voilà bien un sujet complexe, sensible, important, souvent passionnel, et imprégné d'idéologie où s'entrechoquent les grands clivages idéologiques habituels.

 

(A partir d'une question précise, mentionnée dans le titre, cet article élargit le débat et soulève des considérations beaucoup plus générales à propos de l'éducation)

 

 

Point de départ, déclencheur de cet article :

Des articles lisibles sur yapaka.be (" La garde alternée : pas pour les tout-petits" et "La garde alternée : un principe progressif pour l'enfant") aboutissent à la conclusion, d’allure très classique et très conformiste, que « la résidence alternée pour un enfant de moins de deux ans, même indépendamment de tout conflit entre ses parents, est une solution périlleuse pour lui » et que « la garde alternée va à l’encontre des besoins de l’enfant de moins de 2 ans ».

 

Et, pour arriver à cette conclusion, les articles en question exposent une brève synthèse des idées très classiques et très conventionnelles sur les conditions qui permettraient le mieux au jeune enfant d’édifier son sentiment de sécurité et de satisfaire à son besoin de stabilité et de continuité.

 

Mais cette question est-elle aussi simple, et cette conclusion est-elle aussi évidente que ces articles veulent nous le faire croire ??

 

Et, plus généralement, les idées « assez communément admises » en psychologie, sont-elles toujours les bonnes ??  Pour ma part, je pense volontiers que les thèses psychologiques « dominantes » sont parsemées de quelques fausses évidences par rapport auxquelles il faut continuer d’exercer un regard critique.

 

En effet, de nombreux exemples attestent du fait que la psychologie telle qu’elle fonctionne dans la société, dans les interactions humaines et dans les théories officiellement retenues et mises en pratique, est moins souvent une science qu’une idéologie largement subjective et intuitive, et parfois trop facilement adoptée et répétée sans qu’une vérification sérieuse ait été opérée.

 

Face à ce conformisme trop fréquent, on doit donc souligner l’importance de maintenir une réflexion vigilante, et d’oser relativiser ou nuancer certaines idées reçues, parfois trop simples ou insuffisamment fondées.

 

Ainsi, quels sont ou quels doivent être les buts et les enjeux de l’éducation ? Pas de réponse scientifique, mais déjà ici un terrain de débats polémiques, idéologiques voire politiques.

Qu’est-ce qui est véritablement bon et souhaitable pour l’enfant, sans perdre de vue qu’il faudrait ici déjà clairement distinguer son intérêt immédiat, puis son intérêt à court, à moyen et à long terme. Donc plusieurs perspectives différentes, et les différentes réponses à y apporter peuvent éventuellement diverger grandement. Rien de simple…

 

Par exemple, en termes d’enjeux, quels sont les besoins et quelles sont les nécessités les plus importantes pour le très jeune enfant ?

Ainsi, sur base de quoi pourrait-on ou devrait-on affirmer que le besoin de stabilité est à considérer comme plus important que la nécessité d’apprendre suffisamment tôt à s’adapter à des situations diverses voire changeantes ? Rien de simple…

 

Heureusement, l’être humain est un être adaptatif, très tôt capable d’apprendre à s’adapter, et dont l’intérêt évident est de développer sans trop tarder cette capacité adaptative, car il en aura fortement besoin toute sa vie… Et, heureusement, même quand l’enfant a dû subir des conditions pas idéales, par exemple le décès prématuré de sa mère ou de son père lors des premières années de sa vie, heureusement sa vie n’est pas fichue pour autant, à condition que certaines situations viennent apporter des compensations suffisamment consistantes.

 

En effet, et plus généralement, le parcours de vie d’un être humain est un processus complexe tout au long duquel, heureusement, des rebondissements, des retournements et des réactions salutaires sont souvent possibles, processus dans lequel les épreuves subies dans l’enfance peuvent donc aussi, dans un certain nombre de cas, constituer le ferment, le germe d’une amélioration ou d’un bonheur futurs.

A quoi on peut encore ajouter l’importante question des contrastes et de leur impact sur le bonheur à l’âge adulte : parfois ou souvent, manger d’abord son pain noir fera que, plus tard, même du banal pain gris semblera délicieux, et vice-versa, manger d’abord son pain blanc pourrait avoir comme conséquence que, plus tard, le même pain gris, juste un peu trop banal et médiocre, sera ressenti comme insupportable et irrecevable…

Donc, toute la difficulté, et c’est là une véritable bouteille à encre, est de pouvoir distinguer, d’une part des épreuves parfois pénibles mais structurantes à long terme, et d’autre part des épreuves traumatisantes pour toujours… Rien de simple…

 

Et par ailleurs, parfois ou souvent, les petites ou grosses imperfections subies pendant l’enfance en raison des diverses situations vécues, ne pèseront pas encore si lourd par rapport aux turbulences plus ou moins graves (avant tout hormonales) qui vont surgir pendant l’adolescence et qui seront probablement, dans un certain nombre de cas, plus lourdement déterminantes pour la suite de la vie.

Bref, je réagis ainsi à l’égard de certains slogans un peu simplistes ou trop radicaux, et qui ont connu un succès injustifié, tels que « tout se joue avant 6 ans », etc… (Je préférerais une formulation plus nuancée, telle que : "Certains enjeux éducatifs importants peuvent déjà prendre des orientations relativement voire très déterminantes dès les premières années", ...mais évitons de tomber dans un fatalisme excessif.)

 

Et quant au besoin de stabilité dans la petite enfance, toute la difficulté est d’en définir les enjeux, les contenus et les contours. Stabilité concernant quels points précis, et jusqu’à quel point, et avec quelles modalités précises, compte tenu que l’excès nuit en tout, et que donc en tout point de l’éducation, il est raisonnable de rechercher un juste milieu entre des objectifs parfois opposés (tels que, justement, le besoin de stabilité d’une part, et la nécessité d’apprendre à s’adapter à l’instabilité d’autre part).

Mais où se situe le bon juste milieu ? Rien de simple, et donc des débats polémiques, là aussi.

 

Il faut résolument prendre quelques distances par rapport à certaines idées reçues qui ont connu un succès immérité. Exemple : « Dites chaque jour à vos enfants que vous les aimez, et rassurez-les de façon illimitée sur le fait que vous les aimerez quoi qu’ils fassent », etc… Non, l'excès nuit en tout.

 

Ce dernier point est un thème idéologiquement très sensible et polémique. Je pense à l'exemple suivant : si un enfant vraiment trop espiègle, rebelle et malicieux, est trop bien rassuré sur le fait que, quoi qu'il fasse, il continuera d'être "aimé" et facilement pardonné, il n'aura aucune raison de se gêner et de se freiner, vu cette "impunité".

 

Il y a un peu plus d'un siècle, un auteur très célèbre exprima une idée fort semblable : "L'éducation ((peut s'appuyer sur)) les primes d'amour dispensées par les éducateurs ; c'est pourquoi elle échoue quand l'enfant gâté croit qu'il possède cet amour de toute façon, et qu'il ne peut le perdre en aucune circonstance"...   Bref, de quoi apporter une nuance importante et une sérieuse mise en garde par rapport au thème de l'amour inconditionnel et illimité.

Comprenons bien : l'enjeu est ici de se demander jusqu'à quel point il est bon qu'un enfant mal inspiré soit trop bien rassuré par rapport à cette question de l'amour inconditionnel, même si bien sûr on ne met pas en doute le fait qu'un parent aimant continuera très probablement d'aimer cet enfant malgré ses comportements problématiques.

(Le sujet est sensible et même passionnel : face à la citation de cet auteur célèbre (Freud), une mère "douce, aimante et maternelle, comme il en existe tant", jugeait que ce texte était "horrifiant" à ses yeux... Peut-être appartient-elle à la catégorie de ces parents utopistes qui s'imaginent qu'il suffit de donner à un enfant un "bon" amour gentil et bienveillant, pour que par magie tous les problèmes de l'éducation soient facilement résolus... Oui, certes, avec certains enfants cela suffira, mais pas avec tous, loin de là.)

 

Alors, leur manifester de l’amour, oui, mais sans excès. Idem pour l’autorité. Les aider à acquérir une estime d’eux-mêmes et une confiance en eux-mêmes, oui, mais sans excès. Leur assurer un cadre de stabilité, oui, mais sans excès. Les aider à construire un sentiment de sécurité, oui, mais sans excès. Un excès de confiance en soi ou de sentiment de sécurité est un défaut qui peut aussi mener à de très mauvaises choses.

Reste donc à définir le juste milieu, et chacun se forgera ses propres convictions à ce sujet.

 

Donc, stabilité et continuité, oui, mais jusqu’à quel point ? Jusqu’au point de déconseiller SYSTEMATIQUEMENT une garde alternée pour les enfants de moins de deux ans ??

En vertu de tout ce qui précède, on aura compris que cette recommandation est probablement une idée trop simple et une fausse évidence un peu arbitraire. Déjà si l’on songe simplement au fait qu’un enfant n’est pas l’autre, et que l’intérêt bien compris et les besoins de l’un peuvent être très différents de ceux d’un autre.

Certes, assez souvent, dans la pratique des choses, la mère est pour le jeune enfant la référence principale et privilégiée. Est-ce là une bonne chose ? De nouveau, aucune réponse simple : tout dépend des cas, et des caractéristiques respectives de la mère et du père, et de leurs relations respectives avec l’enfant.

Certes, dans le cas le plus normal et le plus classique, la femme paraît bien être plus douée que l’homme pour s’occuper le plus adéquatement d’un tout jeune enfant. Sauf que, à notre époque, des cas classiques, il y en a de moins en moins, et des dérèglements comportementaux il y en a de plus en plus, y compris chez les femmes !!

 

Mais sur base de quoi pourrait-on affirmer qu’il serait SYSTEMATIQUEMENT  PREFERABLE qu’il y ait une seule référence principale (la mère, OU le père), plutôt que deux (la mère  ET  le père) ?

Probablement n’est-ce là rien d’autre qu’une idée reçue, à laquelle trop de personnes se conforment avec trop peu d’esprit critique. En tout cas, à rigoureusement parler, on ne voit pas ce qui devrait rendre obligatoire et systématiquement meilleure une telle conception.

 

D’ailleurs, cette idée perd largement de sa consistance, si on la met en regard avec ce qui est devenu pratique très courante à notre époque, à savoir le fait que, en raison du travail professionnel de la femme autant que de l’homme, souvent le jeune enfant passe de loin la majeure partie de ses journées à l’écart de ses deux parents, soit en crèche ou en milieu d’accueil, soit chez les grands-parents, soit dans une formule combinée où certains enfants passent successivement par trois ou quatre environnements différents chaque semaine !!

Donc, dans des formules où souvent les parents ne sont plus véritablement, ni l’un ni l’autre, une référence principale et privilégiée, en tout cas beaucoup moins qu’auparavant.

 

A notre époque, de telles situations sont jugées comme étant normales et acceptables, et peuvent bien fonctionner sans problème dans pas mal de cas. Or, faut-il le dire, elles ne sont pas précisément le meilleur modèle en matière de stabilité et de continuité !!

Sont-elles mauvaises ou jugées mauvaises pour autant ?

Peut-être certains enfants y perdront quelque chose, tandis que d’autres y gagneront en tirant parti de la richesse et de la complémentarité liée à la diversité des environnements.

Et probablement personne n’est en mesure de dresser des statistiques « scientifiques » et rigoureuses sur de tels sujets complexes, sujets d’autant plus complexes que, comme nous l’avons évoqué plus haut, les possibles conséquences à plus long terme ne sont pas nécessairement la simple prolongation des conséquences à court terme. Rien de simple…

 

Donc, gardons-nous de venir juger et conclure sur de telles questions avec des principes généraux trop simples, gardons à l’esprit que chaque cas est différent et doit s’évaluer individuellement : d’une part, un enfant n’est pas l’autre, ce qui convient très bien à l’un peut ne pas convenir à un autre ; d’autre part, crèche, mère, père, grand-parent, ou combinaison de ces éléments, tout dépend de la qualité de l’intervention respective de ces différents acteurs.

Et cette qualité peut être extrêmement variable d’un cas à l’autre.

 

Notamment, la question sensible de l’amour et de l’autorité,  et d’une différence assez fréquente entre les hommes et les femmes à ce sujet, doit retenir toute notre attention et nous mener à souligner que le rôle du père n’est pas à considérer comme secondaire par rapport au rôle de la mère.

En effet, assez souvent, les femmes sont plus douées que les hommes pour entourer l’enfant d’affection et lui exprimer de l’amour. Tandis que, assez souvent, les hommes sont plus doués que les femmes pour exercer une autorité suffisante et efficace. (Bien sûr, des excès existent aussi et, comme on l’a rappelé plus haut, l’excès nuit en tout, tant en matière d’amour que d’autorité)

Or il faut souligner que, pour une bonne éducation, on peut raisonnablement défendre l’idée que la dimension de l’autorité est au moins aussi importante et structurante que la dimension de l’amour, et que ici aussi, cette question est à croiser avec celle de la grande variabilité entre les enfants, concernant leur intérêt bien compris et leurs besoins. Entre un enfant tout doux, très influençable, affectivement fragile, anxieux, avide d’affection, et un enfant mentalement solide, intrépide, qui a un fort caractère rebelle et un esprit fort indépendant, quel monde de différence !!

Et, à priori, à devoir choisir entre le schéma [beaucoup d’expression d’amour mais trop peu d’autorité] et le schéma inverse [peu d’expression d’amour, mais une autorité suffisante et bien calibrée], je crois volontiers que le second schéma est peut-être préférable à long terme… Et, contrairement à ce que certains pourraient croire, la question de l’autorité est à prendre au sérieux dès la première année de la vie, du moins dans certains cas. Mais, encore une fois, tout cela est à moduler, à adapter au cas de chaque enfant.

 

Donc, se méfier de toute conclusion trop simple et de certains principes présentés un peu trop vite comme étant une vérité générale.

 

Plus particulièrement, on nous présente comme une évidence l’enchaînement suivant : le très jeune enfant a besoin de stabilité et de continuité, donc évitons la garde alternée avant deux ans.

A première vue, cela semble logique, mais en réalité un tel raisonnement s’apparente à un saut plutôt arbitraire et trop cavalier, où on a beaucoup plus affaire à une intuition et à une logique superficielles qu’à une véritable justification rigoureuse.

Pour mieux faire comprendre cette dernière phrase, prenons un autre exemple. Suivant cette même logique superficielle, et en cohérence avec la première idée, quelqu’un pourrait défendre l’idée suivante : pour satisfaire le mieux possible au besoin de sécurité, de stabilité et de continuité du jeune enfant et, à cette fin, pour prévenir les possibles angoisses nocturnes et la possible apparition de l’angoisse de séparation par rapport à la mère, il serait souhaitable que l’enfant, jusque deux ans, dorme dans le même lit que sa mère, voire collé contre elle !!

 

Or, sur ce point-là, j’imagine plutôt un large consensus des spécialistes pour dire non. Non, une telle chose n’est pas souhaitable (sauf peut-être dans certains cas très particuliers), et le plus généralement le jeune enfant doit et peut, sans dommage, apprendre dès le début ou très tôt à dormir dans une chambre séparée, apprendre donc à supporter cette séparation nocturne d’avec ses parents, et ce, pendant cette période pourtant plus sensible et potentiellement plus angoissante qu’est la nuit, avec son silence et son obscurité !!

Voilà donc, autour de cet enjeu de la stabilité et de la sécurisation de l’enfant, des conclusions et des conséquences pratiques bien divergentes. Et cela met en lumière que cet objectif de sécurisation et de stabilité n’est donc sûrement pas le seul critère à prendre en considération, et que, concernant tel ou tel autre enjeu précis (ici, la question de dormir ou non avec la mère), d’autres critères sont retenus comme étant encore plus importants et donc prioritaires.

 

Et la comparaison de ces deux points, qui, comme on le voit, fait apparaître des conclusions opposées, illustre très bien la réflexion critique que j’énonçais plus haut :

« Et quant au besoin de stabilité dans la petite enfance, toute la difficulté est d’en définir les enjeux, les contenus et les contours. Stabilité concernant quels points précis, et jusqu’à quel point, et avec quelles modalités précises, compte tenu que l’excès nuit en tout, et que donc en tout point de l’éducation, il est raisonnable de rechercher un juste milieu entre des objectifs parfois opposés».

 

Or y a-t-il une véritable argumentation d’une logique imparable, qui permettrait de PROUVER que la première idée (non à la garde alternée) s’imposerait nécessairement parce qu’elle serait à coup sûr valable et dûment justifiée, tandis que la seconde idée (dormir avec la mère) serait, elle, à coup sûr, mauvaise et excessive, alors qu’elle peut pourtant prétendre servir le même objectif de stabilité et de sécurisation ??

 

Autrement dit, dans ces deux questions aux enjeux assez analogues, qu’est-ce qui vraiment permettrait d’affirmer de façon péremptoire que ce même raisonnement (à savoir, faire un maximum pour construire la stabilité et le sentiment de sécurité) est valable dans un cas, et pas dans l’autre ?

C’est ici qu’il apparaît que de telles prises de position relèvent plus de l’intuition approximative et de l’idéologie un peu arbitraire, que d’une véritable démonstration rigoureuse et scientifique…

 

Quelques petites remarques complémentaires au sujet du livret intitulé : « Garde alternée : les besoins de l’enfant ». (de Christine Frisch-Desmarez et Maurice Berger)(Mars 2014)

 

 

Soulignons d’abord que ce livret a le mérite d’insister sur cette idée essentielle : l’organisation et le choix de la formule de garde de l’enfant, devrait se faire en priorité en fonction de l’intérêt bien compris et des besoins de l’enfant plutôt qu’en fonction des revendications égocentriques des parents.

Ce livret insiste aussi sur les dommages que les enfants risquent de subir quand ils sont victimes des conflits existant entre les parents séparés.

Les auteurs insistent aussi judicieusement sur la nécessité de mettre au point adéquatement et soigneusement les modalités précises de l’organisation de la garde et des transferts.

 

Mais, au-delà de ces idées générales auxquelles je souscris très volontiers, ce livret n’échappe pas à ces mêmes travers idéologiques sur lesquels j’ai voulu, dans le présent article, porter un regard critique.

 

Jacques Baré, psychologue. Liège

2 Juillet 2014

 

(autres liens : http://www.jacques-bare-psychologue-psychotherapeute-liege.com/

 

http://www.lepsychologue.be/psychologues/psychologue-4000-liege-jacques-bare.php

 

 

 

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11 novembre 2012 7 11 /11 /novembre /2012 20:00

Quels cadeaux pour les enfants à Noël et pour la Saint-Nicolas ?

Risque-t-on de trop «gâter» nos enfants ?

Il n’y a évidemment pas de réponse toute simple à ces questions assez compliquées. Sur ce sujet comme sur d’autres qui concernent l’éducation à donner aux enfants, rien de simple…

On pourrait, prudemment, mettre en avant les principes suivants.

L’excès nuit en tout, dans un sens comme dans l’autre. Trop de cadeaux, ou trop peu. Trop de jouets, ou trop peu. Trop d’affection, ou trop peu. Trop de sévérité, ou trop peu. Trop d’autorité, ou trop peu. Trop de contraintes, ou trop peu. Trop de plaisirs, ou trop peu. Trop de renforcements narcissiques, ou trop peu. Trop d’estime de soi et de confiance en soi, ou trop peu.

Essayons donc de viser ce qui serait un juste milieu entre les positions excessives dans un sens ou dans l’autre.

Mais toute la difficulté est d’arriver à situer correctement ce juste milieu ! De quoi alimenter des débats psychologiques et idéologiques à n’en plus finir.

 

Les jeux et les jouets sont un élément assez important pour l’évolution des jeunes enfants. Encore faut-il bien les choisir.

Les cadeaux et les fêtes de fin d’année sont un plaisir et un charme de la vie, et une très belle occasion de convivialité, et c’est sympathique de conserver de tels plaisirs, même s’ils ne sont rien de vraiment indispensable.

 

Réfléchissons à l’exemple suivant.

Faut-il et jusqu’à quel point faut-il célébrer les anniversaires ?

Comparons deux enfants, issus tous deux de milieux «normaux» et recevant tous deux une éducation normale, aimante et positive.

L’un, vivant dans une famille plus austère, ne bénéficie jamais de fêtes à l’occasion de son anniversaire.

L’autre au contraire, bénéficie chaque année de fêtes d’anniversaire où les parents ont à cœur de marquer le coup de façon très substantielle, à grand renfort de cadeaux multiples, d’invitations, de journées exceptionnelles, et de félicitations abondantes, de quoi gonfler de façon peut-être un peu excessive le schéma de l’enfant mis sur un piédestal…

Pour le premier, habitué à ne pas avoir de telles célébrations, il peut très bien vivre heureux et être équilibré sans cela, il n’a pas besoin de cela pour être heureux. Et si un jour, il bénéficie d’une telle fête malgré tout, on peut espérer qu’il appréciera d’autant plus fortement ce plaisir. Comme pour pas mal de choses, la rareté en fera le «prix» (le plaisir, la valeur ressentie).

Le second, trop habitué à «bénéficier» chaque année de tant d’honneur et de célébrations, risque bien de ressentir que cela devient, au fil du temps, un besoin et une exigence obligatoire. Et donc, …affreux drame et crime de lèse-majesté et crise de frustration, si jamais on devait, pour une raison quelconque, déroger une année à cette tradition !!

Et là, nous serions tentés d’appeler cela une réaction d’enfant trop gâté.

D’où ces réactions bien connues d’enfants blasés qui n’apprécient plus que très moyennement ce qu’ils reçoivent, et qui peut-être seront surtout chagrinés de se centrer davantage sur le jouet qu’ils n’ont pas reçu…

Ainsi, habituer les enfants à ce que trop de choses plaisantes leur tombent trop facilement du ciel et surtout trop souvent, ce n’est certainement pas une bonne chose.

Et ce serait mal les préparer à la vie qui les attend plus tard, et qui sera peut-être relativement dure et frustrante, dans une société qui fait de moins en moins de cadeaux…

Dans l’exemple développé ci-dessus, quelle situation est préférable ? Certainement pas la seconde, me semble-t-il…

 

Alors, donc, quels cadeaux et quelle quantité de cadeaux ?

D’abord, mieux vaut la qualité, plutôt que la quantité.

Et un bon dosage est à réaliser entre des jouets simplement amusants et des cadeaux plus intéressants ou plus instructifs, aptes à stimuler diverses capacités, sans oublier la créativité.

Et, me semble-t-il, viser une grande prudence voire méfiance à l’égard des jouets ou matériels addictifs : consoles de jeux, tablettes, gsm,… Et savoir que de nombreux enfants de notre époque deviennent dangereusement accros à l’une ou l’autre de ces technologies modernes, avec des dégâts plus ou moins importants en matière d’instruction et de démotivation scolaire.

Par ailleurs, il me semble souhaitable de maintenir dans une certaine mesure un lien suffisant entre cadeaux et récompenses méritées.

Ainsi, couvrir de cadeaux un enfant qui, tout au long de l’année, se montre très peu soucieux de se plier aux exigences de l’éducation, ce serait lui délivrer un très mauvais signal.

Au contraire, convenir avec l’enfant que tel ou tel cadeau plus important sera obtenu à condition de respecter un certain contrat éducatif (progrès scolaire, attitudes en famille,…) est une stimulation intéressante à mettre en œuvre. Sans pour autant faire preuve d’une sévérité trop rigide.

Et enfin, sachons relativiser cette question des cadeaux et des jouets : cet enjeu de l’éducation n’est qu’un enjeu parmi d’autres, et n’est certainement pas le plus important, loin s’en faut.

 

Jacques Baré, psychologue, Liège.

Septembre 2015

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