L'efficacité d'un régime ou d'un meilleur contrôle du poids passe aussi par la prise en considération des facteurs psychologiques, de leur impact positif et négatif, et des règles pratiques qui en découlent.
Avertissement.
Le point de vue exposé ci-dessous conduit à mettre en avant une conception certes quelque peu à contre-courant par rapport à une certaine tendance démagogique typique de notre époque.
En effet, pour être dans la mode de notre époque, il est plus porteur de proposer des conceptions « cool, sympa, charmeuses » et des méthodes « douces, faciles, agréables », où le plaisir est un peu trop systématiquement préféré à l’effort.
Attention danger : on sait ce qu’une telle philosophie un peu démagogue peut produire, par exemple dans le domaine de l’enseignement.
C’est là une question sensible et une clé importante, en plusieurs domaines : atteindre un bon dosage entre le plaisir et l’effort.
1° REGIME ALIMENTAIRE ET DISCIPLINE
D’abord cette évidence, et cette injustice, une de plus : nous ne sommes pas égaux face à la nourriture. Nous sommes même très inégaux…
Les facteurs déterminants sont multiples et partiellement interdépendants :
métabolisme, facteurs hormonaux, fonctionnement du système nerveux et du système pulsionnel (degré de nervosité, sensations de faim et de satiété, besoin physiologique de manger, envie de manger), mode de vie et activités, habitudes alimentaires, choix diététiques, (dés)équilibre affectif, (dés)équilibre de la volonté, conceptions et croyances, environnement et sources de tentation.
Une prise en considération de l’ensemble de ces facteurs est donc évidemment souhaitable.
But de cet article :
Inciter à ne pas négliger l’impact, positif ou négatif, des facteurs psychologiques, et par conséquent des règles psychologiques et des règles pratiques qui en découlent.
Ainsi, ne pas sous-estimer la nécessité d’instaurer une discipline et de renforcer une capacité de discipline : sans une discipline suffisante, point de salut.
En pratique, il sera donc plus productif de se persuader que, bien conçue et bien appliquée, une discipline suffisante sera souvent sinon toujours une condition nécessaire voire souvent une condition suffisante pour atteindre l’objectif recherché.
Avec la nuance (mais elle est de taille) que nous ne partons pas tous du même point de départ, très loin de là : selon les personnes et les situations (psychologiques et physiologiques), savoir instaurer et maintenir une discipline sera tantôt facile, tantôt difficile, tantôt (quasi) impossible.
Chez un certain nombre de personnes, la nourriture est devenue en quelque sorte une drogue : attachement excessif, difficulté de modifier les habitudes, difficulté de supporter la frustration, sensation de manque, affaiblissement spécifique de la volonté face à la substance (nourriture). Dans ce cas, il faudra donc pouvoir opérer une réaction très volontaire pour combattre fermement cette tendance à être excessivement accro au plaisir de la nourriture.
Par ailleurs, des manques affectifs, quant à eux, peuvent incliner à compenser en se raccrochant au plaisir facile de la nourriture. D’où l’utilité, le cas échéant, de rééquilibrer sa vie affective et pulsionnelle (équilibre affectif interne, satisfaction des besoins, vie sentimentale, vie sexuelle, vie sociale, bilan global des plaisirs et des déplaisirs, degré d’impulsivité).
Citons quelques conditions favorables à l’instauration d’une (capacité de) discipline alimentaire en vue de mieux contrôler et/ou réduire son poids :
n Un préalable important : en cas de problème médical (diabète, dysthyroïdie, etc.) connaître et respecter les consignes et traitements recommandés par un médecin compétent. (Ce point est évidemment très important : en cas de doute, un bilan hormonal s'impose, car un déséquilibre à ce niveau, peut engendrer des prises de poids anormales.)
n en cas de déséquilibre affectif, travailler à rééquilibrer sa vie affective
n s’appliquer à améliorer son hygiène de vie (sommeil, détente, activités physiques), notamment pour éviter tout excès de fatigue et de stress, lesquels favorisent des conduites déséquilibrées
n écarter les situations et sources de tentation si l’on n’est pas assez capable d’y résister (notamment : le régime, cela commence au moment des achats)
n remplir suffisamment ses journées d’activités aussi accaparantes que possible et, encore mieux, aussi bienfaisantes que possible
n en matière de régimes, éviter les formules extrêmes, les formules vraiment trop austères, trop frustrantes, trop pénibles. Effort et discipline, oui ; souffrance, non
n apprendre à manger lentement et à mieux déguster (en dose modérée) des aliments qu’on aime
n le plaisir (alimentaire) comme récompense après le devoir accompli, et non pas l’inverse
n se peser très régulièrement, idéalement une fois par jour, meilleure façon d’apprendre à se connaître, apprendre à évaluer correctement l’impact des efforts fournis la veille sur le poids du lendemain, et être ainsi mieux incité à corriger le tir sans tarder, en cas de mauvaise évaluation ou en cas de relâchement de l’effort (sur ce point, ainsi que sur les autres, on pourra trouver des commentaires supplémentaires dans la deuxième partie de cet article)
n et, bien sûr, faire des choix diététiques raisonnables, en restant vigilant, par exemple en se méfiant quelque peu (ou beaucoup…) de certaines nourritures-pièges ainsi que de l’excès d’alcool, lequel dissipe très vite les bonnes résolutions…
Avec un brin de malice, certains souligneront non sans raison :
« Comment maigrir ? C’est très simple, il suffit de manger moins ou beaucoup moins !! »
Dans cette formule ironique mais juste, le point sensible réside dans le « il suffit de ».
Quand la volonté est malade, « il suffit de » devient « il m’est très difficile de ».
Une volonté malade peut résulter de différentes choses : tantôt parce qu’elle est minée en profondeur suite à un état affectif affaibli, tel que typiquement la dépression, tantôt très banalement parce que, à force de se laisser aller à la recherche excessive du plaisir facile, la volonté finit par s’affaiblir, tantôt parce qu’une physiologie déséquilibrée impose un combat inégal où la volonté finit par capituler.
Et, là où la volonté est devenue malade ou trop faible, quelles qu’en soient les causes, il ne faudra pas négliger de s’appliquer AUSSI, à côté du traitement de ces autres causes, à « soigner », à revigorer la volonté elle-même, tâche plus ou moins difficile et qui demande souvent des efforts et du temps. Et qui suppose bien sûr aussi une suffisante motivation personnelle, à réveiller ou à renforcer si nécessaire.
Ainsi, à tous ceux qui sont devenus trop accros au plaisir de manger ou au besoin de manger, et qui voudraient se raconter des histoires et se mettre la tête dans le sable, il est nécessaire de rappeler que la solution (maigrir) passera incontournablement par l’effort de s’imposer une certaine discipline et donc de combattre un certain laisser-aller.
Et ce, sans oublier, comme on l’a dit, de prendre en considération aussi les autres facteurs qui favorisent la prise de poids.
Nécessaire discipline, nécessaire redressement de la volonté. A contre-courant par rapport à la mentalité de notre époque, il est vraiment important de remettre ce point à l’honneur et de souligner l’importance pratique de cette notion, et d’essayer ainsi de créer des déclics dans l’esprit des personnes concernées, de ranimer ou renforcer leur volonté de combattre leur laisser-aller.
En effet, le discours qui au contraire insiste trop sur d’autres facteurs tels que l’hérédité, le métabolisme, etc. risque fort d’avoir comme conséquence pratique néfaste, d’amener les personnes en surpoids à se déresponsabiliser et à se laisser engluer dans le fatalisme et le défaitisme : « c’est à cause de mes gènes, ou de mon métabolisme, ou de diverses malchances subies et qui m’accablent trop et qui justifient une recherche de consolation dans la nourriture ».
Notons au passage que pas mal de ces considérations sont transposables à la problématique de l’alcoolisme : là aussi, souligner trop complaisamment ou trop unilatéralement toutes les circonstances atténuantes et explicatives, est un discours risquant fort d’envoyer un mauvais signal de déresponsabilisation, s’il n’est pas complété par un appel au réveil de la conscience responsable et au redressement salutaire d’une volonté devenue défaillante.
Mais soulignons encore que restaurer ou améliorer une capacité de discipline n’est pas une tâche si facile, et que donc la prise en considération des autres facteurs mentionnés (physiologiques, psycho-affectifs, environnementaux) a également toute son importance dans bon nombre de cas.
Jacques Baré, psychologue, Liège, 1er Juillet 2011
* * *
2ème partie : ...SANS POUR AUTANT SACRIFIER LE PLAISIR DE MANGER
Deux grands philosophes de la seconde moitié du 20ème siècle avaient vu juste, résumant très bien le problème en une phrase devenue célèbre : «On est foutu, on mange trop». Et l'un d'eux, bien que conscient de cette vérité et n’hésitant pas à la chanter sur tous les toits, n’arrivait pourtant pas à y échapper...
"On mange trop"... Pas étonnant, vu que la tentation est partout, et multiforme : les rayons des supermarchés, les multiples réunions festives et plus généralement la vie sociale ou professionnelle, fournissant constamment des occasions de boire et/ou de manger… trop !! Et aussi la tendance, précautionneuse ou confortable, à remplir trop abondamment son caddie et ses armoires, pour «avoir des réserves» toujours disponibles.
Non seulement la tentation est partout, mais, une fois les armoires bien remplies de toutes sortes de nourritures addictives, le geste est facile : pour créer une diversion agréable et pour compenser les mauvaises sensations de la vie quotidienne (fatigue, stress, soucis, déceptions, frustrations, contrariétés, ennui, solitude, déprime, manque de plaisir,…), face à tout cela, la consolation, le plaisir le plus facilement disponible, c’est de manger (et/ou boire de l’alcool).
Et dans nos pays d’abondance, tout va donc dans le sens de nous inciter à développer le défaut de gourmandise et d’excès de plaisir alimentaire.
Je n’échappe pas à la règle, moi aussi je suis gourmand et confronté constamment à la tentation, comme beaucoup de personnes.
Mais cela fait une quinzaine d’années que je me suis forgé mon propre système de modération alimentaire, pour dire résolument non au laisser-aller excessif qui guette bon nombre d’entre nous, et aussi tout simplement parce que je suis hautement conscient qu’un surpoids vraiment excessif, cela peut engendrer rien de moins que sept inconvénients majeurs. Sept à la fois, cela fait beaucoup… et cela justifie donc l’importance d’être attentif à cette question.
Moi aussi donc, comme tant d’autres, non seulement je suis confronté à la tentation quotidienne, mais aussi j’ai bien dû faire le constat, très frustrant, que, avec l’âge, souvent le métabolisme se modifie, ce qui a pour conséquence que, si on veut éviter de prendre du poids et des formes disgracieuses, il faut se résoudre à manger beaucoup moins que lors des décennies précédentes… Oui, c’est frustrant !
Certaines constatations chiffrées feront spectaculairement comprendre l’importance d’une modération alimentaire, voire d’un contrôle suffisamment vigilant. Détaillons cela.
Il faut être réaliste et s’extirper de certaines illusions et d’une complaisante inconscience : pour éviter de prendre des kilos superflus, pas de miracle possible, je mange donc relativement peu et en respectant un canevas quotidien facilitant à la fois la modération et une juste évaluation.
Mais, étant gourmand, je m’autorise donc, certains jours, un petit dérapage. Petit, cela veut dire ici : bien profiter d’un repas, en reprendre une portion supplémentaire, y compris de dessert, mais, précisons clairement, nullement au point de sortir de table l’estomac lourd.
Or, je peux assez fréquemment constater qu’un tel «petit» dérapage peut à lui seul entraîner, le lendemain sur la balance, une hausse de 600 voire 800 grammes, «toutes autres choses étant égales».
En comparaison, cela signifie donc que, pour faire monter la balance de 100 grammes en un jour, il suffirait de commettre simplement un TRES petit excès.
Et c’est là que l’arithmétique devient vite très cruelle : si quelqu’un, juste UN PEU trop gourmand, se laisse donc aller à commettre tous les jours un tel «très petit excès» (entraînant une prise de 100 grammes par jour), en un an il aura donc pris …36 kilos !!!! A méditer…
(Certains voudront rétorquer qu’il s’agit là d’un cas purement théorique et fictif, et que dans la pratique les choses ne pourraient pas se passer comme cela. Eh bien SI, oui les choses peuvent réellement se passer ainsi.
Tel le cas d’une jeune femme m’expliquant que, depuis la mise en ménage de leur couple, la simple envie de bien profiter ensemble des plaisirs de la table, l’avait amenée à augmenter son poids de …70 kilos en 4 ans, et lui, sensiblement pareil !!!
Et, comme je leur demandais comment ils avaient traversé et ressenti ce processus, ils me répondirent : «On n’a rien ressenti de spécial, on ne se rendait pas compte» !!!
Et cette réponse étonnante, et même plutôt surréaliste, est pourtant, en quelque sorte, un peu logique, puisqu’une telle augmentation correspond simplement à une augmentation moyenne de 50 grammes par jour, autrement dit, un tout petit excès, quasi imperceptible…)
Et si une personne commettant régulièrement de tels «très petits excès», évalue mal son fonctionnement alimentaire, et se fait donc trop complaisamment l’illusion d’être sur la bonne voie en matière de modération, et si elle respecte la consigne, souvent lue et entendue, de ne se peser qu’une fois par mois, le résultat risque fort de la décourager trop nettement : à force de tels «très petits excès» et erreurs d’évaluation répétées, elle pourrait donc très facilement prendre 3 kilos en un mois, à raison de 100 g par jour.
Là où peut-être elle ambitionnait d’en perdre un ou deux…
Plusieurs kilos d’écart entre l’espoir et la réalité, cela signifiera donc un mois de perdu par rapport à son projet, et un découragement d’autant plus grand, pour cette double raison…
Dans un tel cas, il aurait mieux valu que cette personne soit avertie de son erreur d’évaluation beaucoup plus rapidement. Et ainsi, cette consigne, beaucoup trop souvent entendue et affirmée à la légère, de ne se peser qu’une seule fois par mois, apparaît, au moins dans de tels cas, comme lourdement inadéquate.
Ne fût-ce que pour apprendre à mieux se connaître et pour mieux éviter les illusions et les découragements qui en résultent, il est donc plus judicieux, du moins pour celui qui veut s’entourer d’un maximum d’atouts pour réaliser son objectif de modération, de se peser plus fréquemment, et pourquoi pas une fois par jour, cela ne prend que quelques secondes...
Et ce, pour apprendre à mieux s’évaluer et à corriger le tir sans tarder, tout comme on le fait, très logiquement, dans les autres apprentissages (lecture, calcul, sport, musique, etc..).
Du reste, plusieurs autres «principes classiques» souvent affirmés ou préconisés par des diététiciens, appelleraient, eux aussi, des nuances voire des remises en question plus ou moins importantes.
En tout cas, le système personnel que je me suis forgé et que j’applique avec succès depuis très longtemps, s’écarte sensiblement de certains de ces principes classiques souvent entendus et trop vite présentés comme des évidences et des vérités générales…
En particulier, les implications psychologiques des méthodes et des processus méritent d’être prises en considération d’une façon aussi optimale que possible, pour réussir un contrôle alimentaire plus efficace et plus facile.
Ainsi, notamment, mieux se tenir à l’abri des tentations, et par exemple mieux tenir compte du piège que constitue la formule «L’appétit vient en mangeant», mieux respecter l’ordre chronologique souhaitable (d’abord l’effort, puis la récompense ; d’abord la discipline, puis le plaisir ; erst die Arbeit, dann das Spiel), mieux maîtriser les aspects addictifs, mieux terminer la journée en beauté, mieux s’endormir dans de bonnes conditions, mieux équilibrer sa vie affective, mieux régler son hygiène de vie, voilà autant d’objectifs et d’enjeux qu’il est souhaitable d’arriver à combiner pour définir une méthode efficace.
Et aussi, pour rencontrer l’objectif énoncé dans le titre de cette deuxième partie, mieux profiter du plaisir de manger. Une meilleure qualité de plaisir, mais avec une quantité plus modérée. Surtout : manger plus lentement, et avec une meilleure conscience du plaisir et de la dégustation, appliquée à des bouchées plus petites.
Redisons-le : une méthode de modération alimentaire doit rester suffisamment confortable et agréable, si l’on veut qu’elle soit supportable à long terme. (Bien supportable à long terme, évidemment important pour éviter l’effet yo-yo).
Il est donc important de maintenir assez largement diverses nourritures qui nous font plaisir, tout en restant vigilant et maître de soi face aux nourritures «trop» addictives, à savoir celles pour lesquelles, quand on a commencé d’en manger, il est difficile de s’arrêter…
Quitte à écarter temporairement ces nourritures trop addictives, s’il s’avère que la volonté est actuellement trop faible face à elles.
Ou à tout le moins, marquer clairement des limites, par exemple en préparant des portions limitées, et en mettant en place des barrières physiques et/ou psychologiques pour inciter à mieux respecter ces limites.
Et ainsi, même en utilisant des quantités plus limitées, ce plaisir de manger pourra rester intense, d’autant plus si on a un peu faim, et sera durable, surtout si on mange lentement.
Et s’astreindre à appliquer tous ces conseils, en prenant conscience qu’une telle entreprise de modération va de pair avec un renforcement, un (ré)entraînement de la volonté et de la capacité de discipline, cette dernière étant plus généralement une condition nécessaire pour pouvoir construire sa vie et réussir dans toutes sortes de projets.
Et donc, ne pas se laisser entraîner trop loin par cette société de consommation et de plaisir facile, par cette société qui facilite trop souvent ou trop largement l’accès à des plaisirs effrénés, relativement illimités, en tout cas surabondants.
«Surabondance de biens, nuit».
Plutôt préférer : «Vive le plaisir (notamment alimentaire), mais… la (relative) rareté en fera le prix et la saveur...».
Jacques Baré, psychologue à Liège.
(Ajout de la deuxième partie, en Mai 2017)
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